Fiche action 3

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Antenne du Secours Catholique, 75019 Paris

GENÈSE DES ACTIONS

Dans le projet du Cèdre (sorte de projet d’établissement), un des 3 axes d’action est “développer le pouvoir d’agir des personnes exilées”. Cet axe est une déclinaison de notre projet associatif national qui affirme que la parole, la participation et la prise de responsabilité de tous est encouragée. Le Secours Catholique entend en effet favoriser l’autonomie dans l’action, et permettre à chacun de proposer des solutions aux difficultés rencontrées et de mettre en oeuvre les initiatives pour y répondre.

Dans d’autres activités de notre structure, des groupes de mobilisation sont mis en place avec des personnes directement concernées, par exemple un groupe de personnes concernées par la procédure Dublin, un groupe de travailleurs sans droit au séjour, … un conseil des “alliés”, sorte de conseil de vie sociale, existe depuis 18 mois pour les personnes fréquentant notre accueil de jour.

Depuis 2020, l’équipe de formateurs se pose la question de comment décliner cet axe dans son activité. C’est à dire à la fois de comment impliquer les personnes qui apprennent le français dans nos activités et dans notre structure et comment mieux répondre à leurs besoins linguistiques. La recherche-action a donc rencontré des préoccupations de l’équipe et de la structure.

Par ailleurs, à l’automne 2018, une partie des bénévoles et des étudiants avait participé à la mobilisation du collectif le Français pour tous organisé à Paris, place de Palais Royal. Ces bénévoles avaient donc déjà entendu parler du collectif.

Acteur.rice.s principaux

  • Ulysse Bical, bénévole formateur depuis 4 ans, également doctorant en sociologie à Sciences Po Paris sur la mise en oeuvre associative des politiques de formation linguistique.
  • Hélène Ceccato, coordinatrice salariée de l’équipe formateurs bénévoles, depuis 7 ans

Entretiens et animations réalisés

  • Deux entretiens collectifs le 12mai 2023( 3 personnes puis 5 personnes)
  • Un entretien individuel le 25 mai 2023.

Problématiques principales soulignées en entretiens

  • Temps d’adaptation à un autre système éducatif et d’autres pédagogies que celles connus au pays
  • Mixité linguistique versus monolinguisme dans un groupe au début
  • Pouvoir parler n’a rien d’évident, malgré les progressions en formation :“Vous parlez, moi compris. Mais difficile parler.”(Mohammed, entretien 1)
  • Reprendre une formation quand on a quitté les études il y a 30 ans / Apprendre sur le tas:« j’ai arrêté mes études en 1990 donc ça fait presque 30 ans que j’ai pas étudié donc je, j’ai pas l’habitude c’est plus commode euh, dès que j’ai quelque chose c’est mieux d’apprendre la langue en parlant en, en discutant. »(Mohammed)
  • Formations linguistiques de l’OFII ne sont pas appréciées car le système n’est pas adapté à la diversité des profils des apprenants
  • Une déperdition importante d’apprenants bangladais lorsqu’ils commencent les formations:
    « Au début on était 15 et maintenant on est 3 donc c’est clair comment ça marche le cours, (…) parce que ils ont lâché au milieu (…) quand il y a pas d’autres personnes c’est ni intéressant pour les étudiants ni pour le professeur . » (Abdur)
  • Avoir d’autres activités collectives en français en plus des formations pour parler le français
  • Difficulté d’accès à l’interprétariat / Apprendre le français = indépendance :
    « Monsieur a dit que oui un interprète ça coute cher, même s’il vient pour 10 minutes ça coûte 50€, et des fois les interprètes sont très occupés, si c’est pour un rendez-vous chez le médecin, le médecin peut pas attendre, donc c’est un peu difficile. C’est pour ça je voudrais apprendre moi-même. Et il a dit : sa fille parle bien le français, si il a un rendez-vous important chez le médecin, elle va plutôt venir aider son papa que d’aller à l’école. Donc parfois il demande l’aide de sa fille pour ce travail. Parfois aussi il y a de l’interprétariat par téléphone, ou des amis. » (Mohammed)
  • Les retours sont positifs sur les formations bénévoles.

Pistes proposées (en entretiens)

  • Demande d’ateliers de conversation
  • Méthode syllabique : « (Interprète) En fait premièrement dès qu’on a terminé à apprendre l’alphabet, et après il nous propose que si on peut donner une leçon : comment on va prononcer les mots. C’est une grande différence entre bengali et français, anglais aussi. Donc comment on va prononcer les accents aigus, graves, etc. Et petit à petit on va arriver à comment on peut écrire ces mots-là, comment on va les épeler. Donc ça c’est important, comme ça on va construire la base, et après on va lire, on va avoir la connaissance pour lire la phrase complètement. (…) au Bangladesh à l’école primaire on nous apprend comment prononcer, on va diviser un mot en petites parties. Donc par exemple : absent : a-b, ab, s-e-n-t, sent, donc on va prononcer absent, petit à petit on va construire un mot comme ça. Comme ça il trouve que c’est facile d’apprendre. » (Abdur, entretien 2)
  • Faire venir des interprètes dans les formations pour éviter de perdre les apprenants:
    « c’est ce qu’il veut proposer, (…) si c’est possible accompagner avec un interprète comme ça, ils vont dire ils vont répondre il va traduire, et il sait ce que le professeur il a dit, ça va marcher dans les deux côtés, et il a des, il connaît beaucoup de gens ils ont commencé, et après au milieu du cours ils ont lâché. »(Abdur, entretien 2)
  • Faire des groupes de niveaux (ce qui existe déjà) et organiser et échelonner mieux les progressions : comme ça 1) les apprenants n’ont pas l’impression de toujours recommencer la même chose ; 2) ceux qui s’absentent ne perturbent pas trop la progression des plus assidus. (Abdur)
  • Pour les nouveaux arrivants, Abdur propose d’abord de laisser le choix entre des formations mixtes, ou bien par communauté linguistique avec des formateur.rice.s bilingues (pour pouvoir assurer de construire une base en français qui permette ensuite de suivre facilement tout type de classe mixte). Il propose de laisser ce choix pour les premiers temps de formation, en cas d’apprenants en majorité communautaire.
  • Abdur propose de réviser la politique linguistique française pour partir de la connaissance des apprenants : en s’intéressant à leurs expériences et projets, à comment ils vont apprendre (moyennant donc de faire appel à des interprètes), pour orienter ensuite vers différents types de formations. Abdur défend une diversité d’offre de formations en fonction des personnes, en opposition à des formations standardisées pour un public donné.
    « (…) son avis, ça c’est, le meilleur système. Trier les étudiants par rapport à l’expérience, et continuer à euh, donner des cours euh, différents cours pour euh, différents étudiants. Donc euh, ce ce qu’ils font OFII, il est pas d’accord. »(Abdur)

Les deux projets réalisés suite aux entretiens

Projet 01 - Interprétariat pédagogique

PRÉSENTATION

Présence régulière d’interprète dans les formations avec les bénévoles formateurs pour que les étudiants expriment leurs difficultés, ce qu’ils n’ont pas compris et pour que le formateur revienne sur certains points.

Mise en oeuvre

Ce projet est surtout destiné aux groupes d’étudiants les plus débutants (infra A1.1). Au départ (septembre 2022), sur les 6 groupes de notre structure, un seul groupe faisait appel à un interprète. pédagogique en bengali (langue majoritaire à 80 % de nos étudiants). Cet interprète est bénévole dans notre structure depuis 5 ans, il s’est formé en français dans notre structure et est par ailleurs formateur en français depuis 3 ans dans une association communautaire. Celui-ci venait surtout au début des sessions (septembre-octobre et février) une fois par mois. Le temps d’échange dure environ 15 à 20 minutes (pendant un atelier de 2h).

EVOLUTIONS ET PERSPECTIVES

Aujourd’hui (novembre 2023), sur les 6 groupes, 4 font appel à un interprète pédagogique. Dans un des groupes, il passe une fois par semaine une quinzaine de minutés. C’est devenu une habitude. Parmi les perspectives, les bénévoles qui font appel à cet interprète cherchent d’autres moyens pour dialoguer avec les personnes qui parlent d’autres langues que le bengali (notamment le pachto) et qui ne parlent pas une langue qu’ils maîtrisent (anglais, espagnol ou arabe). Reste à faire un bilan de cette présence (réunion d’équipe/avec les apprenants). Ce qui permettrait aussi de poursuivre les temps d’échanges de pratiques avec des apprenants et d’en faire une habitude dans l’équipe. Généraliser cette présence à tous les groupes où c’est pertinent (niveaux plus avancés?).

Retours

J : « C’est très très aidant. »

Affichage multilingue facilitant les inscriptions aux formations linguistiques
Affichage multilingue facilitant les inscriptions aux formations linguistiques

Projet 02 - Accueil et pré-rentrée plurilingue (Welcome Day)

Présentation

Depuis 4 ans, lors de nos rentrées, nous mettons en place différentes modalités multilingues pour permettre de bien se comprendre avec les étudiants : affiches, messages vocaux (pour boucle what’s app) et post FB annonçant les dates d’inscription en multilingues, mot d’accueil et présences d’interprètes (au moins 5 langues) lors des sessions d’inscription (pour bien comprendre les informations personnelles (par exemple scolarisation, niveau d’études, expériences professionnelles, motivations ..) et les contraintes des étudiants (horaires, travail, garde d’enfants…).
Nouveauté en septembre 2023, nous avons mis en place une Welcome Day, sorte de pré-rentrée pour se présenter, faire connaissance, présenter l’organisation des ateliers et les objectifs, visiter les locaux et les autres activités de notre structure (cf détail en annexe).

Évolutions et perspectives

Pour la prochaine session, des ajustements d’organisation sont prévus mais le projet a été jugé très satisfaisant.

Retours

Extrait du Compte-Rendu de réunion d’équipe bénévoles, le 17/10/2023 : « Très bien, ça a aidé pour que les gens se rencontrent, ça les a aidés à s’orienter dans le Cèdre avec la visite. Globalement : très bons retours des apprenants, ils ont mieux compris nos binômes de formateurs. La présence des ancien.ne.s apprenant.e.s était vraiment un point fort ; le contenu très adapté. » Cela a permis aussi de proposer aux personnes les autres activités de notre structure qui peuvent être des ateliers collectifs où on peut apprendre le français de façon non formel (groupe femmes, brunch notamment).

L’affiche du Welcome day
L’affiche du Welcome day