1 – Apprendre à bien parler avant de pouvoir travailler ?
Légende : (C) coupé ; (X) mot inintelligible ; (XXX) groupe de mots inintelligibles ; précisions en italique.
Les extraits
Extrait 1 : T’as perdu quelqu’un qui peut ajouter quelque chose au pays
Mustafa : Et deuxième chose, nous on sait, ben j’aimerais montrer la question du politique aussi,
Eric : Ouais, ouais,
Mustafa : Le fait de dire ouais, il faut euh, ouais il faut parler, pour qu’on puisse, pour que tu puisses travailler, si c’est un migrant qui cherche un boulôt, il s’en fout de ça,
Eric : Ouais,
Mustafa : si il arrive pas à apprendre le français pour travailler, il va quitter le pays, donc t’as perdu quelqu’un qui peut travailler et
Eric : Mhm,
Mustafa : Qui peut, ajouter j quelque des choses à, au pays.
Eric : Ouais, ouais, ouais,
Mustafa : Donc, Il faut voir les deux côtés,
Eric : Mhm, mhm,
Mustafa : Parce que la personne, si vraiment il a envie de travailler, si il arrive pas à apprendre, ben il va quitter,
Eric : Mhm, mhm, mhm, mhm, (C par Mustafa – voix se chevauchent)
Mustafa : Là t’as, t’as donné des aides sociales, tu as tout fait, mais finalement la personne n’a pas pu travailler, parce que, tu n’as donné la chance, de aller euh d’aller travailler,
Eric : Ouais,
Mustafa : ou bien de d‘apprendre comme il faut, de telle ou telle manière.
Eric : Mhm, mhm, mhm,
Mustafa : Donc euh, ce… (C par Eric)
Eric : Est-ce que vous en connaissez beaucoup vous deux, des personnes qui sont comme ça qui se disent mais, pff, qu’est-ce que je vais faire,
Ahmed : Ouui oui oui
Mustafa : je connais pas mal de personnes qui quittent la France à cause de ça,
Eric : Ah ouais,
Mustafa : Ouais,
Eric : Qui ont quitté la France à cause de ça.
Mustafa : Qui ont quitté la France ouais ouais.
Eric : Ah c’est important de le dire aussi, parce que j’avais pas entendu ça.
(Passage inintelligible)
Eric : Et qu’est-ce qu’ils ont fait alors ?
Mustafa : Ben ils ont (Passage inintelligible), (…) y’en a qui sont rentrés au Soudan même.
Eric : Ouais, (passage inintelligible – problème de micro saturé)
Ahmed : Ouais, moi je suis d’accord, d’apprendre la langue, mais c’est pas le droit, pour renouvellement le carte de séjour,
Eric : Mhm, mhm, mhm (…) il y a beaucoup de personnes qui ont dit
Ahmed : Quand moi je suis arrivé en France, pas pour apprendre la langue française.
Eric : Mhm, mhm,
Ahmed : moi je réfugié,
Eric : Ben oui, oui,
Mustafa : Oui c’est vrai. Mais après oui quand on regarde en fait le, comment dire, le parcours de, de migrants, comment il est arrivé par exemple un réfugié qui traverse la méditérranée, par la Lybie, qui, qui allait mourir euh dans un instant (qui a faillit mourir), il y en a il leur sont arrivé tout ça et là enfin, ils sont arrivé en France, et là, il y a un blocage. Mais j’ai pas fait tout ça pour rien quand même (rire)
Eric : Ouais,
Mustafa : euh, au moins quelque chose, oui, mais pas rester bloqué comme ça,
Eric : Mhmm, mhm
Mustafa : Bien sur il va il va, réfléchir, il va il va, si j’ai pas réussi à (XXX), j’étais en train (sur le point de) de mourir bah, je peux quitter la France, je peux aller chercher ailleurs aussi,
Eric : Mhm, mhm,
Mustafa : Soit voilà, soit ça, soit,
Eric : Ouais, parce que, comme tu dis euh, c’est pas le problème d’apprendre la langue, mais, beaucoup, moi je connais pas beaucoup de personnes étrangères qui veulent pas apprendre le français, tous, ils veulent apprendre le français,
Mustafa : Oui, ils (inintelligible)
Eric : (…) il y a des personnes effectivement qui ne peuvent pas, ou qui sont un peu bloquées parce que elles ont eu des problèmes, parce que il y a la vie d’avant pour laquelle c’est pas facile à faire le deuil, mais, franchement des personnes que je connais je crois que, 99% des personnes que j’ai rencontré elles veulent toutes apprendre le français.
Ahmed : Oui, moi (coupures micro) je veux apprendre.
Mustafa : Sauf que, c’est la manière, la façon d’apprendre, qui est là, qui est en jeu en fait. (XXX) Parce que voilà, il essaye, il arrive pas parce que il y a quelque chose qui ne va pas. Alors qu’est-ce qui ne va pas. Parce que c’est ça en fait qu’il faut, voir.
Eric : Ouais,
Mustafa : Parce que j’en connais qui sont motivés pour apprendre, mais ils arrivent pas, ils arrivent pas (XXX) aussi.
Eric : Mhm, mhm,
Mustafa : (difficilement intelligible) Et justement, ça fait partie des solutions qu’il aimerait bien, c’est que, si on (XXX) pour faciliter des choses, si on, pouvait travailler, aussi ça pourrait faciliter des choses, bref il y a plusieurs choses à mettre en place pour (XXX)
Eric : Ouais ouais, c’est pas juste les formations.
(Entretien à Tours, association ECS, le 22 mars 2023, extrait 4, 48’12 à 59’40)
Précisions :
Association Echange Culturel et Solidaire Franco-Soudanais,
Contexte :
- L’entretien se déroule autour d’une tasse de thé
- L’enquêteur partage à partir d’un diaporama différents témoignages de problèmes récurents soulignés ailleurs en France, pour déclencher la discussion sur ces sujets. L’enquêteur rencontre Ahmed pour la première fois, mais connaît déjà Mustafa, et Shaker (en tant qu’ancien apprenant de formations OFII).
Participants de l’extrait :
- Ahmed, membre de l’association ECS, il a la trentaine et est célibataire sans enfants. Il est originaire du Soudan, où il exerçait un métier qualifié. Son niveau de compréhension comme d’expression en français sont très bon, mais l’entretien demande parfois reformulation ou interprétation. Ahmed a dû faire face à des refus administratifs qui l’ont découragé dans ses apprentissages et ses projets.
- Mustafa, est étudiant en sociologie. Célibataire sans enfants. D’origine Soudanaise, Mustafa est bilingue et permet l’intermédiaire entre arabophones et francophones au sein de l’association. Il participe à l’entretien d’abord en tant que médiateur, mais il participe également ensuite plus personellement dans la discussion.
Extrait 2 : Commencer à apprendre l’oral sur le tas, en exerçant sa profession
Farah : Euh j’ai toujours travaillé ménage, euh l’Espagne euh, c’est le même travail euh,
Xavier : Ouais ouais, ouais ouais,
Farah : ménage euh, pf c’est difficile, la France, c’est différence que l’Espagne.
Xavier : Et qu’est-ce qui est différent alors ?
Farah : Est différence, que je connaissais le travail ménage, et ici, tu, toujours pose mes CV et le le, le demander un diplôme. Un diplôme.
Xavier : Ouais, en France on demande beaucoup de diplômes, ouais.
Farah : Oui, (X) alors je m’étais, (XXX – difficilement compréhensible), l’école de GRETA, que terminé, c’est fini, octobre, octobre,
Xavier : D’accord, vous commencez maintenant,
Farah : commencer maintenant,
Xavier : Jusqu’à octobre.
Farah : jusqu’à, jusqu’à, oui. A octobre.
Xavier : D’accord.
Farah : Et après je vais à, demander à Pôle-emploi que, un (X), un diploma ou, je ne sais pas ff,
Xavier : Ouais,
Farah : Mais je veux un travail.
Xavier : Ouais, faire une formation pour avoir un diplôme,
Farah : Oui c’est ça.
Xavier : Ouais, ouais ouais, oui en France faut le diplôme, ouais.
Farah : Oui.
Xavier : Et euh, si on continue, l’Espagne, vous parliez espagnol, c’était difficile de travailler en parlant espagnol ?
Farah : Non ?
Xavier : Non, ça allait ?
Farah : Euh, l’Espagne ?
Xavier : Ouais, en Espagne,
Farah : Non, oui oui oui oui, l’Espagne euh, première euh que entrée l’Espagne, travaille con (« avec », en espagnol) les enfants et, apprendre un peu un peu et après le parle et je comprends et, travaille les enfants, et après je change je travaille travaille avec les personnes de la maison la retraite,
Xavier : Ouais, et vous parliez comme ça, en travaillant ?
Farah : Oui, c’est ça.
Xavier : Vous parliez espagnol.
Farah : Mhm.
Xavier : Daccord. Et en France du coup, c’est quand, vous parlez français quand,
Farah : Euh, l’école.
Xavier : Juste à l’école.
Farah : à l’école.
Xavier : Ouais,
Farah (répète) : à l’école.
Xavier : Y’a pas d’autres moments ou vous pouvez parler (C par Farah)
Farah : Non.
Xavier : français.
Farah : Non.
Xavier : Ouais,
Farah : Non, non, non, non.
Xavier : Donc si je comprends bien, en Espagne, c’était plus facile d’apprendre,
Farah : Oui,
Xavier : Parce que c’était plus facile de (C par Farah)
Farah : Travail !
Xavier : Travailler. (…)
(Entretien avec Farah, le 7 juin 2022 à Rochefort, extrait 3, 3’33 à 5’56)
Xavier : Dans les cours, qu’est-ce que vous préférez aussi comme euh, comme exercice ? Préférer, vous comprenez préférer ?
Farah : Oui, préférer oui, (XXX- C par Xavier)
Xavier : Qu’est-ce que vous, y’a plein d’exercices,
Farah : Oui,
Xavier : Qu’est-ce que vous, vous préférez ?
Farah : pff (Rire)
Xavier : Ah c’est difficile,
Farah : Euh, je préférer eu pff
Xavier : Qu’est-ce que vous retenez, plus ?
Farah : ( retenue de 15 secondes environ) Je préférer apprendre la langue française, mais je préférer, un travail. C’est tout. Mais, mais la tête.
Xavier : Ca veut dire,
Farah : Ouais,
Xavier : Le plus simple, c’est en travaillant, que vous apprenez.
Farah : Oui. Oui.
Xavier : On travaille, et on apprend, en même temps.
Farah : Oui.
Xavier : Oui, oui oui,
Farah : Oui,
Xavier : Ah et comment on peut alors pour euh, apprendre et trouver un travail, et apprendre en même temps ?
Farah : Euh, non euh travail, travail que gagne un peu de l’argent,
Xavier : Ouais,
Farah : (XXX),
Xavier : Ouais,
Farah : Et, après j’apprends de la langue française.
Xavier : Ouais,
Farah : Ouais. C’est tout !
Xavier : Ouais, mais à F en France on dit vous apprenez le français, et après, vous travaillez.
Farah : Oui.
Xavier : Oui, ça c’est embêtant.
Farah : Oui, oui
Xavier : Oui,
Farah : Oui,
Xavier : Oui,
Farah : Oui.
Xavier : Et euh, mais c’est que le, donc le problème c’est pas qu’il n’y a pas de travail, c’est que Pôle emploi, il dit d’abord vous apprenez le français.
Farah : Oui,
Xavier : C’est ça hein ?
Farah : Oui, c’est ça.
Xavier : Ouais,
Farah : Oui
(Entretien avec Farah, le 7 juin 2022 à Rochefort, extrait 9, 17’25 à 23’47)
Précisions :
Farah : Farah a habité en Espagne plus de 15 ans, son mari pendant 30 ans. Elle vit à Rochefort depuis quelques années avec son fils. En Espagne, elle a exercé de nombreux et divers emplois de services à la personne, qui lui ont permis d’apprendre l’espagnol sur le tas.
Farah suit un bon nombre de formations différentes, dans différentes associations. Elle aimerait travailler comme agent d’entretien, travail pour lequel un diplôme en langue française lui est exigé. Farah aimerait justement pouvoir faire comme en Espagne : pouvoir travailler plus directement, pour s’améliorer rapidement à l’oral. Elle apprend également par ses propres moyens, à la maison : elle travaille avec des vidéos bilingues sur youtube, elle va même jusqu’à « se parler à elle-même » pour s’entrainer à la production orale.
Extrait 3 : Comment Hamza a appris rapidement le turc
(…)
Samir (interprète et participant) : En fait (Hamza) quand il est arrivé en, Turquie, il parle pas turc et tout, en Turquie c’est comme en France, il faut apprendre la langue et tout, et, il est arrivé, il a appris le turc avec les Turcs. Et je pense si ici en France il travaille et il va être, contacté avec des français, ça va être apprendre plus le… moi j’ai appris la langue euh, pas à l’école. Autour, avec mes amis.
Eric : Donc tu nous apprend qu’on peut apprendre une langue sans jamais… (C)
Hamza reprend la discussion, en arabe
(…) Samir (traduit Hamza) : Si il parle, avec toi, plusieurs fois, plusieurs jours ou, il prend, plus de 4 formations.
(…)
(Entretien à Tours, Mars 2022, extrait 8, 44’10 à 45’05)
Précisions :
Contexte :
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Entretien réalisé chez Eric autour d’un apéritif
-
L’enquêteur (Eric) a été le formateur de Hamza et Bassem. Hamza lors d’une formation professionnalisante de niveau A1 (3 mois avant l’entretien), et Bassem lors des formations OFII, environ 4 ans avant l’entretien. L’enquêteur rencontre Fadi et Samir pour la première fois.
Participants :
-
Hamza et Fadi, la trentaine et la quarantaine respectivement, sont deux frères Kurdes de Syrie. Ils ont fait l’expérience de l’apprentissage, oral mais aussi écrit, de nombreuses langues par le passé, à l’école (arabe) mais aussi dans le cadre de leur travail ou bien de migrations : turque, urdu.
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Samir (la vingtaine, Syrien, interprète et ami de Hamza), et Bassem son père (la cinquantaine), ont habité en Turquie et y ont appris le turque (Bassem en travaillant). Samir a appris le français « sur le tas »