2 – Les limites des formations / les limites des apprentissages sans-formation
Légende : (C) coupé ; (X) mot inintelligible ; (XXX) groupe de mots inintelligibles ; précisions en italique.
Les extraits
Extrait 1 : Se former, quand on a arrêté les études il y a 30 ans
Eric : (…) Voyez euh, moi j’ai appris j’apprends d’autres langues, je les ai appris à l’école, beaucoup. J’ai appris l’anglais à l’école. Mais après quand je suis allé en Angleterre, c’était très difficile.
C’est ce que vous disiez tout à l’heure je comprends, mais après pour parler, c’est difficile, j’ai peur, je suis comme ça, surtout au téléphone alors là, il y a plus personne. Euh, qu’est-ce qu’on pourrait faire, voyez y’a des, y’a des, des personnes, euh, c’était à à Montpellier, elles ont dit, nous s’il vous plaît Mr, on voudrait des cours de conversation. On veut arrêter la grammaire, euh les cours théoriques euh, écrire tout ça ok, mais on voudrait en plus, des cours pour parler. Pour discuter normalement, juste comme ça. Qu’est-ce que vous en pensez, ça vous donne des idées ?
(Interprétation et discussion en bangla)
Interprète 1 : Il dit oui, c’est le meilleur moyen d’apprendre les langues euh, parce qu’il dit j’ai arrêté les études en 2000… 90’, donc ça fait presque trente ans que j’ai pas étudié donc je, j’ai pas l’habitude c’est plus comode euh, dès que j’ai quelque chose c’est mieux d’apprendre la langue en parlant en, en discutant.
Eric : D’accord, ah oui merci ça c’est intéressant, euh, il y a beaucoupo de personnes à l’OFII, elles m’ont expliqué quand j’ai fait les petits entretiens comme ça : euh moi les études euh pff c’était il y a longtemps,
Mohammed reprend en bangla
Eric : Et retourner à l’école encore, c’est dur, je comprends.
Ulysse : Et euh, dans quelles situations dans la journée, vous parlez français ? Est-ce que il y a des occasions de parler français, en dehors des cours.
(Interprète 1 traduit)
Interprète1 : Elle dit oui, quand elle va acheter un truc euh (interlocutrice indeterminée)
Sharmin ou Fatema : Supermarché, rendez-vous, à l’école,
Eric : Ah oui avec l’école, pour les enfants,
Interprète1 : médecin, toutes les occasions elle va parler français.
Euh le Mr il dit que oui, si on sait parler euh, pour écrire ça va être plus facile. Par contre si on sait que écrire, parler c’est difficile.
Eric : D’accord, ouais. Et alors pour vous, ce qui est important c’est de travailler surtout l’oral en numéro un, et après écrire.
Mohammed : Oui, oui.
Eric : D’accord, oui. Et c’est ce que vous faites en classe, vous faites ensemble, parler et écrire, ou d’abord parler ?
Discussion en bangla
Interprète1 : Les deux ensemble.
(entretien n°1 au Centre d’entraide du Cèdre (Paris, 19e), Secours Catholique le 12/05/2022, extrait 3, 16’03 à 22’42).
Avoir une base à l’oral avant d’aborder le nouvel alphabêt
Eric : (…) Qu’est-ce qui est différent, euh, dans le système au Bengladesh, et dans le système en France ?
Interprète2 interprète en bangla
Abdur prend la parole en bangla
Interprète2 : Il (Abdur) dit merci tout le monde euh,
Abdur : Merci à tous (poursuit en bangla)
Interprète2: aujourd’hui ce que nous allons parler c’est une chose très importante et, c’est une bonne chose
Abdur poursuit en bangla
Interprète2 : On est très contents euh, de discuter à ce sujet là.
Abdur poursuit en bangla
Interprète2 : Comme on est nouveaux euh on a pas de connaissance de la langue et, et en plus euh de, de communauté. Et donc on est très contents de d’être accueillis par euh, chez vous, par le gouvernement, qui s’ont pris la précaution et ils ont nous accueillir à discuter à ce sujet-là.
Abdur reprend en bangla
Interprète2 : Ok, euh, comme on commence, euh que, quand on apprend une langue maternelle, on l’apprend sans connaissance, sans savoir euh, le le système. Donc, quand quand on parle on a pas besoin d’apprendre le grammaire, tout ça. Mais quand on a on commence à écrire, commence notre nos études à l’école primaire, à l’université et au collège, donc, ou on trouve la différence entre France, et Bengladesh.
Eric : Mhm mhm, allez-y. D’accord.
Abdur reprend en bangla
Interprète2 : Du coup donc euh, quand on commence à suivre un cours de français, au début on apprend euh, l’alphabêt, et après tout de suite on on entre, on va entrer dans la grammaire et, et des choses euh, très haut, donc euh ça ça c’est très difficile à, à apprendre tout de suite, et à, quand on a pas de, quand on a pas construit la base.
Abdur reprend en bangla
(…)
(Entretien n°2 au Centre d’entraide du Cèdre, Paris, 19e, Secours Catholique le 12/05/2022, extrait 12, 13’07 à 25’37)
Précisions :
Contexte :
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Entretiens réalisés par Eric Mercier, en présence d’un formateur (Ulysse Bical). Accueil et organisation par Hélène Ceccato (du Cèdre).
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Chacun des deux entretiens a été réalisé grâce à la présence de deux interprètes différents (bangla/français). Le premier est professionnel, le second est bénévole.
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Nous avons receuilli au préalable très peu d’informations sur les participants.
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Les deux entretiens ont été réalisés dans une salle de formation spatieuse, les tables forment un cercle de discussion.
Participants :
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Entretien 1 : 3 apprenant.e.s bengladais, 2 femmes (Sharmin et Fatema) et un homme (Mohammed). Présence de l’interprète professionnel (Int1) et d’Ulysse Bical (Doctorant, formateur bénévole au Cèdre, et participant à la RA).
Les apprenant.e.s sont en France depuis peu de temps et ont donc une courte expérience des formations de français en France.
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Entretien 2 : 5 apprenants, 3 hommes et deux femmes.
Abdur a environ 30 ans, habite à Bobigny et travaille dans un restaurant. Au Bangladesh, il travaillait dans une grosse entreprise d’électronique. Abdur refuse l’enregistrement avant l’arrivée de l’interprète. Abdur veut étudier à la Sorbonne mais le problème c’est la langue.
Extrait 2 : Laïla aurait préféré d’abord des classes de conversation, et après la formation
Eric : Alors en fait c’est ça alors. L’OFII ils disent : vous voulez apprendre le français ? d’accord. Numéro 1 : formation, formation formation. Mais, le plus tôt possible, très tôt, deux trois mois après l’arrivée normalement, en France, ils disent que pour apprendre la langue, il faut commencer, par les formations. Qu’est-ce que vous en pensez vous, est-ce que pour apprendre une langue, je commence, par la formation ?
Laïla : (initelligible)
Eric : Mhm, ouais, ouais, vous n’êtes pas la seule à dire ça il y a des personnes qui ont dit, euh, j’ai besoin de, de connaître la base, de parler un petit peu,
Laïla : C’est ça !
Eric : C’est ça ? Que vous voulez dire ? Et après, la formation, ça va.
(XXX – inintelligible)
Eric : Mhm, mhm, donc peut-être euh, peut-être que c’est une question de temps aussi un petit peu ? De, de connaitre son environnement un minimum, de découvrir un petit peu, de se faire des amis, de provoquer des rencontres, avant d’envoyer en formation ? Ouais ?
Laïla : Des classes de conversation, et après euh, en formation.
Eric : Ah super merci. Oui, c’est intéressant ce que vous dites. D’abord, des classes de conversation,
Laïla : Oui, et après formation.
Eric : Et après la formation.
Laïla : Oui.
Eric : Ben, ce que vous dites, vous dites la même chose que le Conseil de l’Europe. Voyez le COE il y a des spécialistes en langue, ils disent, arrêtez la France, arrêtez l’Allemagne, arrêtez avec les cours euh, très tôt ecaetera, intensifs, stop, ils disent, il faudrait d’abord quelque chose de tranquile, pour découvrir, écouter, parler, rencontrer des bénévoles euh, des personnes, et après, en formation. Donc vous vous êtes plutôt d’accord avec ça.
Laïla : Oui.
(…)
(Entretien à J2P, Paris, 10/03/2023, extrait 6, discussion longue – 55’04 à 1’13’57 )
Précisions :
Association J2P
Contexte :
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Entretien réalisé par Eric, sur un temps de formation (préparation aux épreuves du DELF B1), dans une grande salle auprès de 6 participantes. Vidéoprojection d’extraits d’autres entretiens écrits dans la salle pour déclencher la discussion sur différentes thématiques.
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L’enregistrement présente des bugs de micro, qui n’a pas enregistré en continu. Les transcriptions présentent donc des parties perdues.
Participante :
- Laïla : Laïla était institutrice en Afghanistan et souhaite exercer ce métier en France.
Extrait 3 : Des formations linguistiques insuffisantes
Sibel : L’apprentissage du français, euh, on trouve que c’est pas suffisant, en France (…) j’ai fait B1 et B2, mais, c’était des règles, c’était la grammaire, mais, je n’arrivais pas à parler. (…)
(Entretien réalisé à Lingolsheim, 10/03/2022, Extrait 5, 24’54 à 29’49)
(…)
(L’enquêteur demande en quoi l’atelier de conversation est différent des formations linguistiques plus classiques)
Emel : (…) ma fille, (prénom de sa fille), elle a commencé de parler petit à petit, en turc. Pourquoi est-ce qu’elle a appris (XXX) On lui parle en turc, c’est tout. Voilà. Dans cet atelier (atelier de théatre, faisant appel à une marionettiste), on parle en français, voilà. Et y’a pas d’examen, y’a pas de note, y’a pas de jugement, (…) on apprend naturellement. (…)
(Entretien réalisé à Lingolsheim, 10/03/2022, Extrait 6, 30’14 à 31’17)
Précisions :
Lingolsheim, centre social et culturel de l’Albatros
Contexte :
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Lingolsheim, centre social et culturel de l’Albatros, entretiens organisés par Mia Depoutot et Eric Mercier. Mia travaille à l’Albatros comme coordinatrice et connait bien les participant.e.s. Eric rencontre les participants pour la première fois.
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Atelier de 2 heures regroupant 4 participant.e.s et 2 animateur.rice.s (Mia et Eric) dans une grande salle. Petit atelier organisé autour d’une table ronde. Présence de 2 enfants en bas-âge.
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L’audio est peu audible par moment (bruits de chaises/voix d’enfants).
Participant.e.s :
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Emel : Emel a la quarantaine. Elle est maman, originaire de Turquie et anciennement professeure de turc.
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Sibel : Originaire de Turquie, elle y exerçait auparavant une profession à haut niveau de qualification. Elle est mère d’une petite fille présente lors de l’entretien.
Extrait 4 (auprès d’une formatrice) : Apprendre avec ou sans formation, avec ou sans pratique quotidienne
Tu penses que c’est en formation que les gens apprennent le mieux ?
Aline : (…) pour certains j’imagine les seuls moments où ils parlent français c’est en (…) cours, (…) y’en a beaucoup qu’ont appris tout seuls aussi mais disons qu’ça cadre un peu plus aussi (…).
(Entretien avec Aline, formatrice à J2P, 05/04/2022, Paris, Extrait 5, 23’00 à 24’37 )
Ils et elles viennent par obligation ou par intérêt ?
(…) (Question posée : Les apprenants viennent pour une certification B1, ou bien aussi par intérêts ? )
Aline : « L’idée c’est de bien savoir débattre, de donner son opinion etc. Mais oui euh, ils viennent pas pour ça à la base, hein c’est sûr »
(…) « (Certains apprenants) ça fait 20 ans qu’ils sont en France, qu’ils travaillent, (…) qu’ont pas été scolarisés, ils l’obtiendront jamais le niveau B1. (…) je trouve ça normal qu’on demande à ce que les gens parlent français (…) mais l’écrit non (…) quand on est adulte on peut pas passer 24h/semaine (en formation) »
(Entretien avec Aline, formatrice à J2P, 05/04/2022, Paris, extrait 6, 24’38 à 27’50 )
Précisions :
Contexte :
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Entretien réalisé chez Fatma-Zohra autour d’un thé (les salles étaient occupées) à Paris, 19 ème arrondissement. Fatma Zohra (enquêtrice) connaissait déjà Aline par le biais d’échanges de bons procédés entre formatrices.
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J2P est établit dans un quartier populaire, c’est un centre social très fréquenté par des étrangers (avec ou sans papiers) pour diverses activités (enfants, ado, accompagnement pour démarches administratives…).