10 – Les expériences passées (d’apprentissages/de migrations)
Légende : (C) coupé ; (X) mot inintelligible ; (XXX) groupe de mots inintelligibles ; précisions en italique.
(Les expériences passées traitées plus spécifiquement dans cette section n°10, sont également très largement abordées dans les extraits présentés en sections n°1, 2 et 3)
Les extraits
Extrait 1 : Ça avance parce que je suis dans la pratique : apprendre en formation, c’est pas pareil que pratiquer
Partage du témoignage de Sibel (« j’ai le B2 mais c’était des règles, de la grammaire, et je n’arrivais pas à parler »)
Eric : (…) donc c’est quand même fou parce qu’elle a le DELF, elle sait répondre à l’oral pour avoir le DELF, mais après, dans la rue c’est différent, c’est pas parlé pareil,
Ahmed : Mhm,
Mustafa : Ouais,
Eric : Qu’est-ce que vous en pensez de ça ?
(…) (demande de précision par Mustafa)
Mustafa : (XX) l’examen, lire un texte et répondre aux questions, c’est pas pareil que, (XXX)
Eric : Voilà,
Mustafa : je sais ça moi parce que j’ai appris euh, le français avec le FOU (Français sur Objectifs Universitaires),
Eric : Mhm, mhm,
Mustafa : Et euh voilà c’était plutôt écrire, et tout ça, j’ai validé, mais, pour euh, pratiquer, voilà. J’ai eu des difficultés quand je suis arrivé à l’université, (XX) par exemple, pour pouvoir parler, comme ça tranquilement,
Eric : Oui,
Mustafa : J’ai eu une difficulté, ça avance, chaque année, ça avance, parce que je suis dans la pratique,
Eric : Oui,
Mustafa : Je suis dans la pratique donc ça commence à, apprendre (XXX), c’est pas pareil que, pratiquer, ça c’est sûr.
Eric : Oui,
(…)
(Entretien à Tours, association ECS, le 22 mars 2023, extrait 5, 59’56 à 1’18’30 – extrait long)
Entrer dans la langue plutôt par l’oral, l’écrit, ou bien les deux ?
(autour de 1h30’00 : si Ahmed avait le choix, il privilégierait des formations orales. Passage difficile à transcrire)
Eric : D’accord, ça c’est intéressant parce que, il y a des personnes qui sont beaucoup écrire écrire écrire, comme ça, et parler après. Mais il y a des personnes c’est comme toi, d’abord parler – moi aussi je suis comme ça – d’abord parler, et après écrire on verra.
Mustafa : Pour moi-même c’était comme ça en fait. L’oral, et puis l’écrit. Sauf que mes camarades par exemple ils ont choisi l’écrit, et après l’oral. C’était comme ça on était comme ça dans la classe.
Eric : Oui, on entre pas par les même portes
Eric aborde les propositions émises dans le cadre du FpT : donner le choix entre des formations plutôt orales, écrites, ou les deux.
Mustafa : (…) quand on est à un examen, ou quelque chose comme ça, bah, moi j’ai plus de note, à l’oral et, eux ils ont plus de notes à l’écrit.
Eric : Ouais c’est marrant
Mustafa : C’est toujours comme ça,
(…)
Mustafa : Parce que nous en tant que arabophones, c’est quoi les lettres qu’on a,
Eric : Ah voilà,
Mustafa : (…) donc c’est normal aussi qu’on s’intéresse plus à l’oral que, l’écrit.
Eric : Ouais,
Mustafa : Et que ça prend du temps l’écrit, c’est normal.
Eric prend ensuite l’exemple d’un hispanophone : il n’aura pas ces problèmes pour l’écrit
Ahmed : Mais y’a y’a des soudanais, jamais apprendre la langue, arabe français, jamais
Eric : Ouais,
Ahmed : Et ici c’est compliqué pour lui hein,
Ahmed nous confie ensuite que selon lui, les personnes qui n’ont jamais fait d’études ne vont pas facilement apprendre à écrire.
Mustafa (traduit Ahmed) : Ben pour quelqu’un qui n’a jamais fait d’études ni à l’oral ni à l’écrit,
Ahmed: C’est difficile pour lui les lettres,
Eric : Donc le A2 en 600heures euh, c’est mort mhm, mhm
(Entretien à Tours, association ECS, le 22 mars 2023, extrait 6, 1’24’30 à 1’36’30)
Précisions :
Association Echange Culturel et Solidaire Franco-Soudanais,
Contexte :
-
L’entretien se déroule autour d’une tasse de thé.
-
L’enquêteur partage à partir d’un diaporama différents témoignages de problèmes récurrents soulignés ailleurs en France, pour déclencher la discussion sur ces sujets. L’enquêteur rencontre Ahmed pour la première fois, mais connaît déjà Mustafa, et Shaker (en tant qu’ancien apprenant de formations OFII).
Participants :
-
Ahmed, membre de l’association ECS, il a la trentaine et est célibataire sans enfants. Il est originaire du Soudan, où il exerçait un métier qualifié. Son niveau de compréhension comme d’expression en français sont très bon, mais l’entretien demande parfois reformulation ou interprétation. Ahmed a dû faire face à des refus administratifs qui l’ont découragé dans ses apprentissages et ses projets.
-
Mustafa est étudiant en sociologie. D’origine Soudanaise, Mustafa est bilingue et permet l’intermédiaire entre arabophones et francophones au sein de l’association. Il participe à l’entretien d’abord en tant que médiateur, mais il participe également ensuite plus personnellement dans la discussion.
Extrait 2 : Entrer dans la lecture en autonomie, par le biais de ses enfants (et sans aucune scolarisation préalable)
(Précisions, passage inaudible) La discussion porte sur la proposition de politique publique de Rose que nous venions de lire, et qui consisterait à inciter les entreprises à embaucher des personnes migrantes. Les opinions sont très partagés, la proposition apparaîssant pour Dobryna comme une mauvaise chose pour les entreprises (pour des raisons de sécurité).
Sandra : Mais moi je trouve que, des personnes qui ne savent pas écrire, il y a aussi la volonté.
Eric : Oui, il y a aussi la volonté,
Sandra : Oui, parce que même à travers ton enfant, tu peux, apprendre à écrire, tu peux apprendre à lire, parce que quand l’enfant arrive, dès la maternelle euh, le be ba que tu apprend à l’enfant, tu évolues avec l’enfant, quand tu fais, étudier ta langue, et (XXX)
Eric : Ah, donc on peut apprendre l’écriture, avec les enfants.
Sandra : Oui,
Eric : mhm, et pas que en formation,
Sandra : Oui, pas que en formation.
Eric : c’est intéressant ce que vous dites, oui oui oui,
Sandra : Oui,
Anecdote d’Eric sur une dame (d’origine chinoise, et anglophone), qui lors de ses formations OFII était inquiète : elle n’apprenait rien. Et puis elle est tombée enceinte, et avec tous les RDV médicaux elle s’est rapidement débloquée à l’oral. Elle s’est réinscrite par la suite en formation, pour accompagner ses premiers apprentissages. Et elle a ensuite développé le projet d’apprendre à écrire avec sa fille.
(Une majorité des participantes confirme ensuite travailler avec leurs enfants en faisant les devoirs avec eux).
Sandra l’a beaucoup fait au Pays : « je prends son livre quand elle n’est pas là » « avec son livre, tu apprends les rudiments » (Passages peu intelligibles)
Sandra : (…) parler avec l’enfant, mais de fait (…) il commence à jouer, tu commences à prendre son livre quand il n’est même pas là parce que le parent il ne compte pas montrer à l’enfant ben qu’il ne connaît pas trop. Avec son livre tu peux apprendre les rudiments du livre, tu sais (X) comment tu peux l’utiliser.
Eric : Et en plus ça fait un lien, entre l’enfant, l’école, et la maman, donc c’est bien, parce que c’est important après de pouvoir aider l’école, de pouvoir suivre, les devoirs, c’est ça aussi je pense.
Sandra : Oui, oui, (XXX) je me demande si au moins si elle a accouché, tout, (X) un peu son enfant. Parce que (X) ton enfant le A, B, BA BA, le mot là déjà, tu sais que tu (X) un peu mou, tu peux avoir BA, et au fur et à mesure, tu peux écrire une ‘’banane’’.
Eric : Ouais ouais ouais, je comprends bien, ouais.
Sandra : Mais ici en France, que, (XXX) pour pour avancer dans une autre euh ville, il y a des écrits, tu sais pas ce que c’est bah
Eric : Ouais, ouais ouais,
Sandra : c’est trop dur.
Eric : Oui,
Sandra : Lire, au fur et à mesure, même quand tu ne sais pas il faut lire pour consigner ton, passage,
(Entretien à J2P, Paris, 10/03/2023, extrait 7, 1’13’57 à 1’22’43)
Précisions :
Association J2P
Contexte :
-
Entretien réalisé par Eric, sur un temps de formation (préparation aux épreuves du DELF B1), dans une grande salle auprès de 6 participantes. Vidéoprojection d’extraits d’autres entretiens écrits dans la salle pour déclencher la discussion sur différentes thématiques.
-
L’enregistrement présente des bugs de micro, qui n’a pas enregistré en continu. Les transcriptions présentent donc des parties perdues.
Participante :
-
Sandra : Elle est Camerounaise, elle est en France depuis un an et demi, elle a deux enfants restés au pays. Elle a très envie de connaître la France. Au Cameroun, elle parlait déjà français, et aussi anglais, mais elle n’avait pas appris à les écrire faute de scolarisation.
Extrait 3 : Pratiquer et apprendre avec ses enfants scolarisés en France
Misheel : maintenant je vois les livres pour les enfants c’est un peu facile
Agathe : tu leur lis des histoires ? c’est toi qui lis les livres les histoires pour tes enfants ?
Misheel : Oui, mes enfants ‘maman pas dis comme ça, dis comme ça’ , je lire ils comprennent rien
Agathe : ils comprennent rien ou ils comprennent quand même un petit peu ?
Misheel : oui un petit peu, parce que son frère il lit il sait lire il comprend bien (on comprend que Misheel lit une histoire aux enfants et que les plus grands corrigent)
Agathe : et toi est-ce que tu as des livres pour toi ? est-ce que ça t’aide de lire ?
Misheel : non pas encore, maintenant je lire histoire les enfants, c’est bon pour moi. D’autres livres c’est dur je comprends rien
Agathe : est-ce que tu aimerais bien des livres où c’est pas des sujets pour enfants, où c’est pour toi, mais plus faciles ?
Misheel : oui euh, maintenant je comprends pas, c’est plus difficile pour moi. Maintenant mon niveau c’est livres pour les enfants (…)
Agathe : pour tes enfants c’est un problème que tu parles pas aussi bien qu’eux ? est-ce que tes enfants ça les énerve que tu parles pas aussi bien qu’eux ?
Misheel : non ça va, en français ils n’ont pas beaucoup de devoirs à la maison, je leur demande de faire des dictées, de lire des livres tout ça, parce que mon grand il parle bien français
(Misheel, qui a fait des études, semble mettre un soin particulier à encadrer la scolarité de ses enfants)
Agathe : donc tu arrives quand même à les aider en français ?
Misheel : oui, on fait tous les trois avec mes deux fils, un enfant sait lire et l’autre écrit, après il fait le contrôle de combien de points
Agathe : ah c’est super, vous jouez ensemble tous les trois
Misheel : parce que quand c’est moi qui lis, on comprend rien. Je lis 10 mots, il comprend 5. Parce que je ne lis pas bien et que je n’ai pas le bon accent
(Entretien à Chambéry, le 10/12/2022, extrait non-numéroté, à partir de 38’49)
Précisions :
Contexte :
-
Entretien réalisé le samedi 10 décembre 2022 à Chambéry. L’enquêtrice Agathe connaissait déjà Misheel, une de ses anciennes apprenante qui suivait avec elle un atelier d’oral.
Personnes présentes :
-
Misheel est d’origine Mongole, elle a la quarantaine. Ses enfants sont Français, nés en France.
Agathe est accompagnée et soutenue par Maude Vadot, son ancienne directrice de mémoire, qui participe à cette recherche-action et qui a invité Agathe à y participer.
Extrait 4 : J’ai appris sur internet
Christine : (…) Comment vous avez appris la langue ? Comment vous avez appris le français ?
Kamal : Sur internet ! Sur internet, (rire)
Christine : le français sur internet ? oui,
Kamal : oui (…)
Alexandra : Ici, moi personnellement, ici. Avec Christine ! Quand nous on était venu là tu sais très bien, on savait que bonjour (rire)
Christine : Ouais, et toi Didi, tu dirais euh, par rapport à, euh,
Kamal : C’est plus ici quand même hein, c’est, (X), OFII, juste. Euh plus ici. (X). (…)
Christine : Et euh, tu, tu as fait, qui a fait les cours et ici, et l’OFII, y’a que toi en fait. Ouais. Euh, qu’est-ce que tu ferais comme différence ? Est-ce qu’il y a une différence, est-ce que c’est la même chose euh?
Kamal : C’est pas forcément la même euh le, différence c’est la même hein, c’est la même chose hein
Christine : C’est la même chose ? Alors qu’est-ce que tu appelles la même chose ?
Kamal : mh ? Euh, j’ai appris juste sur mon téléphone, euh on a appris les verbes euh premier groupe,
Christine : mhmh
Kamal : Et euh (XXX), les légumes et les fruits, euh, et voilà. Juste, ça fait beaucoup de choses hein,
Christine : Oui il y a beaucoup de choses hein, et toi ?
Alexandra : Ben moi j’ai appris ici, je suis venue chaque jour matin après-midi, première année je suis venue un an comme ça, après que le matin je suis venue, mais pour moi c’était très dur. (X) oui, 3 mois j’ai pleuré, je disais à mon mari que jamais je vais-je vais apprendre le français il est très très dur. Mais lui là « non il va venir tu vas voir ! », un an après, maintenant on écoute (C),
Alexandra : Ca dépend des personnalités aussi, parce que quand on est timide, c’est plus dur hein, quand,
Alexandra : Maintenant on écoute on regarde euh les films et tout ça en français hein mais. Mais avant c’était c’était euh (rire)
Christine : mhmh
(Entretien à l’AAPIQ, Rochefort, 02/02/2022, extrait 2, 3’14 à 6’20)
Qu’est-ce que tu as appris, en français, en faisant ce stage professionnel ?
Christine : (…) t’as fait un stage en maison de retraite, donc qu’est-ce que tu en penses par rapport à l’apprentissage du français ?
Kamal : Euh, l’apprentissage du français c’est communication avec des gens, et, en résidence, et, moi aussi j’ai fait plusieurs des après-midi,
Christine : Mhmh, mais du coup est-ce que ça t’a, comment dire, est-ce que tu penses que ça rend l’apprentissage plus facile, moins facile ?
Kamal : Euh, oui euh c’est le, c’est le première fois, euh j’ai commencé le stage la première fois et c’était difficile, les premiers jours. Et voilà. Je sais pas, les, le nombre de chose comment, premier jour deuxième jours, c’est plus dur et voilà après c’est ça va, je comprends tous ces mots-là. J’étudie facilement aussi
Christine : c’est quoi par exemple que tu connaissais pas comme nom de chose ?
Kamal : mh je sais pas comment comment le dire euh,
Christine : mais par exemple qu’est-ce que t’as appris comme mot euh que tu connaissais pas du tout ?
Kamal : Les draps (…)
(Entretien à l’AAPIQ, Rochefort, 02/02/2022, extrait 4, 11’35 à 13’18)
Précisions :
Association AAPIQ
Contexte :
-
Entretien réalisé par Christine Gay et Mickaël Billandeau (alternant éducateur), premier test d’entretien à Rochefort auprès de 5 apprenant.e.s.
-
L’entretien s’est déroulé dans un quartier prioritaire de Rochefort. Nous nous sommes réunis dans une des salles dédiées à l’apprentissage du français où ils ont l’habitude de venir. L’aapiq est impliquée dans l’association Coraplis depuis sa création en 2010.
Le centre social AAPIQ est, depuis son origine, impliqué dans l’apprentissage du français aux étrangers par nécessité des habitants des quartiers dans le suivis de la scolarioté de leurs enfants, les besoins médicaux ou sociaux….
Participant.e.s :
-
Alexandra (Roumanie)
-
Ariana (Albanie)
-
Kamal (Soudan)
-
Sharon (Niger)
-
Suleman (Afghanistan)