Thématique 1 : Quelles limites aux politiques linguistiques d’immigration ?

3 – Les compétences (d’apprentissage/professionnelles) des apprenant.e.s

Légende : (C) coupé ; (X) mot inintelligible ; (XXX) groupe de mots inintelligibles ; précisions en italique.

Les extraits

Extrait 1 : Recommencer sa vie à zéro

(Question posée : Est-ce qu’on peut travailler et se former en même temps ? )

Emel :  Mais toujours ça sert à rien pour l’apprentissage ! (…) Dame de service, voilà. (…) c’est vraiment dommage. (…) On commence, de zéro.

(Entretien à Lingolsheim, le 10/03/2022, extrait 4, 23’33 à 24’37)

Emel : (…) Mais, On peut bénéficier de leurs études, n’est-ce pas ? (…) (Sibel) elle est architecte, voyez ? Euh Pourquoi elle part faire euh, femme de ménage, pourquoi, au lieu de faire euh, son métier, pourquoi ?

(Entretien à Lingolsheim, le 10/03/2022, extrait 17, 1’28’38  à 1’28’56)

Précisions :

Lingolsheim, centre social et culturel de l’Albatros

Contexte :

  • Lingolsheim, centre social et culturel de l’Albatros, entretiens organisés par Mia Depoutot et Eric Mercier. Mia travaille à l’Albatros comme coordinatrice et connait bien les participant.e.s. Eric rencontre les participants pour la première fois.

  • Atelier de 2 heures regroupant 4 participant.e.s et 2 animateur.rice.s (Mia et Eric) dans une grande salle. Petit atelier organisé autour d’une table ronde. Présence de 2 enfants en bas-âge.

  • L’audio est peu audible par moment (bruits de chaises/voix d’enfants).

Participantes :

  • Emel : Emel a la quarantaine. Elle est maman, originaire de Turquie et anciennement professeure de turc.

  • Sibel : Originaire de Turquie, elle y exerçait auparavant une profession à haut niveau de qualification. Elle est mère d’une petite fille présente lors de l’entretien.

Extrait 2 : L’écrit comme barrière pour exercer sa profession

Médiatrice (traduit une participante) : « Même si ils ont travaillé femme de ménage, ils vont te dire non, femme de ménage, il faut (…) écrire »

(Entretien n°2 à Tin Hinan, Montpellier, le 20/04/2022, Extrait 14, 30’23 à 30’55)

 

Plus difficile en France qu’en Espagne : ici je ne travaille pas, je ne parle avec personne

Eric : Donde es mas dificil, aqui o, o en España ?

Ibtissem : No, aqui, porque eeh yo he trabajar en España, y hablar con niños, trabajar en la maison, restaurantes, muchas cosas, y hablo con los niños, hablas con la gente, y aqui no yo siempre en la casa, no hablo con nadie, y aqui el barrio eso es solo los marroquies, hablan todo el dia arabe, por eso no, muy dificil para aprender el francés, i yo tengo ganas eh France, de aprender, français, porque mi marido (XXX) yo siempre que dejar mi trabajo y vengo contigo, tiene que aprender tiene que aprender tiene que aprender! Se pone nervioso, yo también me quedo nerviosa, bueno (…)

(Traduction)

Eric : Où c’est le plus difficile, ici ou, ou en Espagne ?

Ibtissem : Non, ici, parce que euh j’ai travaillé en Espagne, et parler avec les enfants, travailler à la maison, dans des restaurants, beaucoup de choses, et je parle avec les enfants, tu parles avec les gens, et ici non moi toujours à la maison, je ne parle avec personne, et ici ce quartier, là, ce ne sont que des Maroquins, ils parlent toute la journée en arabe, c’est pour ça non, (c’est) très difficile ici d’apprendre le français, et j’ai très envie euh, France, d’apprendre, le français, parce que mon mari (XXX) moi toujours quitter mon travail pour venir avec toi, tu dois apprendre tu dois apprendre tu dois apprendre ! Il est nerveux, et moi aussi mais bon, (…)

(Entretien n°3 à Tin Hinan, Montpellier, le 20/04/2022, Extrait 27, 34’10 à 37’02)

 

Le constat que d’autres ont appris rapidement à parler sur le tas, en travaillant

Dounia: Mon fils, n’ai pas compris le français, (…) après, euh trouve un travail pour le boucherie, alors, euh parle français.

(Plusieurs témoignages, passages difficiles à transcrire)

(Entretien n°3 à Tin Hinan, Montpellier, le 20/04/2022, extrait 36, 1’23’38 à 1’28’06)

Précisions :

Association Tin Hinan, 364 Le grand Mail, 34080, Montpellier

Contexte :

  • Trois ateliers de 1h30. Les 1er et 2d se sont déroulés dans une petite salle (remplie), le 3e dans une grande salle qui laisse de la place à tou.te.s. Ces salles sont habituelles aux participantes.

  • Une médiatrice culturelle facilite les échanges (français/berbère/arabe).

  • Eric, Maèva (coordinatrice et formatrice à Tin Hinan) et la médiatrice culturelle mènent les entretiens conjointement. D’autres acteurs sont présents lors des ateliers : La présidente de l’association vient participer dans le courant du premier atelier, une formatrice participe au second, et une autre formatrice au troisième atelier.

  • Le nombre de participantes est très important (environ 10 personnes par atelier). Il est difficile de distinguer et nommer chaque interlocutrice lors des écoutes. Les informations contextuelles sur les participantes sont donc très limitées.

Extrait 3 : Quand l’exigence des diplômes empêche de poursuivre ses projets de vie : analogie avec l’examen du code de la route

(…)

Eric : Parce que c’est vrai que, souvent ici, ah, vous voulez apprendre le français ? Hop, formation. Voilà. Et il y a pas beaucoup d’autres choses, il y a du bénévolat d’accord, (…)

Stage de travail c’est pas facile, (…) On a des personnes qu’on a rencontré, elles me disent moi, ça fait 40 ans que je travaille. Et les études, ça fait longtemps que, et vous voulez que je retourne à l’école là ? (…) Je pense à des personnes pour qui l’école c’est loin, et qui veulent euh apprendre sur le tas. Il y en a beaucoup des personnes qui veulent apprendre pas que en formation.

Mustafa : Ca me rappelle un peu quelqu’un là qui a  bloqué sur le permis de conduire, il avait un permis de conduire, et sauf qu’il a perdu il a rien,

Eric : Ouais,

Mustafa : Il a des soucis : il faut qu’il repasse le code. Parce que il a rien. Comme quoi, il parle pas français.

Eric : Ouais,

Mustafa : Et vu qu’il parle pas français à chaque fois qu’il va pour avoir le code, il sait pas le mot.

Eric : Ouais, ben ouais,

Mustafa : Donc euh, il peut pas valider. Donc c’est comme ça, tu vois,

Eric : Ouais, mhm,

Mustafa : Il peut pas conduire, du coup même si il sait conduire, même si il avait le permis de conduire, il peut pas valider, parce que, il sait pas ce que ça veut dire, ça.

Mustafa : Donc euh, c’est la question comme quoi que je sais travailler, j’ai déjà travaillé, mais, je connais pas la langue et tu me permets pas en fait de d’aller travailler, d’essayer, de voilà,

(Suite en partie inintelligible) (…)

(Entretien à Tours, association ECS, le 22 mars 2023, extrait 4, 48’12 à 59’40)

Précisions :

Association Echange Culturel et Solidaire Franco-Soudanais,

Contexte :

  • L’entretien se déroule chez Mustafa, à Tours, autour d’une tasse de thé.

  • L’enquêteur partage à partir d’un diaporama différents témoignages de problèmes récurents soulignés ailleurs en France, pour déclencher la discussion sur ces sujets. L’enquêteur rencontre Ahmed pour la première fois, mais connaît déjà Mustafa, et Shaker (en tant qu’ancien apprenant de formations OFII).

Participant :

  • Mustafa est étudiant en sociologie. D’origine Soudanaise, il est bilingue et permet l’intermédiaire entre arabophones et francophones au sein de son association. Il participe à l’entretien d’abord en tant que médiateur, mais il participe également plus personnellement dans la discussion.

Extrait 4 (formatrice bilingue, ancienne apprenante) : Ils ont des capacités. Mais il est caché parce que on leur donne seulement la langue, et on sort

Fatiha : Je trouve euh, il y a des capacités, dans les euh,  (clic de la langue) il y a des apprenants, ils vont, augmenter l’économie de la France. Ils ont des capacités. Mais il est caché parce que on leur donne seulement la langue, et on sort. Parce que il faut les répartir. Parce que il y a beaucoup. Parce que moi, c’est pas euh qui euh, parce que c’est moi qui je fais moi-même, à grace de l’association et grace à Paris. Mais, il faut parler avec les apprenants, comment c’est pas parler. Il faut entrer dans le leur, parce que il y a des capacités. Il y a des ingénieurs, il y a des profs, il y a d, il y a tout, il y a des capacités.  Sauf, l’obstacle, c’est la langue. Il faut, euh comment dire c’est pas diminuer, c’est pas réduire, il faut c’est pour euh supprimer ce stress cette euh comment dire, l’obstacle cette ce ze l’obstacle

Fatma-Zohra : oui, c’est un obstacle

Fatiha : oui, c’est l’obstacle. Il faut, il faut les répartir pourt euh comment dire, pour sortir euh cette energie, il y a de l’energie, moi parce que moi, je m’sens, même moi, je suis ils m’ont rassuré avec moi, ils m’ont dit tout. Et je trouve même, je vois dans ses yeux, je vois dans cette euh, il aimerait travailler pour euh, comment dire, pour augmenter l’économie de la, parce que on vit dans cette euh dans ce pays, on aime les aider parce c’est moi c’est un euh, c’est mon deuxième pays. J’aimerais euh, parce que moi quand je vis dans un pays, c’est mon pays, ça y est j’aimerais bien pour euh, pour l’aider, pour augmenter l’économie, pour aider les gens, euh des fois on travaille pour euh gagner la vie, et en même temps pour aider euh, ce pays. Il y a des apprenants, euh, il faut comment dire euh, il faut, il faut les, il faut les comprendre.

Fatma-Zohra : Il faut les comprendre ?

Fatiha : oui, il faut les comprendre, oui. Parce que il ont beaucoup des euh des talents. Il y a maintenant il y a surtout des universités, des universitaires plutôt, il y a beaucoup oui. Mais je vais euh comment dire, appuyer surtout, on apprend la langue, en même temps, en parallèle, on la pratique. 1h, 2h, ça dépend le, le domaine. J’aimerais bien ça.

Fatma-Zohra : Et on la pratique à travers un un ?

Fatiha : A travers de la langue. Et la langue, c’est très intéressant.

Fatma-Zohra : Mais on la pratique où, en travaillant, en entendant des ateliers de conversation ? Comment.

Fatiha : Oui les deux, ça dépend les les les besoins. Parce que on peut le le on la pratiquer en travaillant, ça dépend une heure, deux heures, et en même temps, oui moi je dis, la langue c’est très intéressant, parce que la langue moi je trouve c’est comme on dit en architecture c’est la fondation. Chaque euh établissement, chaque euh chaque batiment chaque euh, il y a la fondation. Chaque oui, la fondation c’est la langue. Pour communiquer, pour la confiance euh, pour l’économie, pour tout, c’est la langue. (…)

(Entretien avec Fatiha, le 07/04/2022, Paris, extrait 16, 51’17 à 53’21)

Précisions :

Contexte :

  • Entretien réalisé dans un petit bureau jouxtant une grande salle du centre social où avait lieu une réunion d’équipe.

  • Fatma Zohra connaissait déjà Fatiha, rencontrée lors d’une journée de formation animée par Fatma-Zohra.