Thématique 2 : Comment avez-vous appris ?/ Comment voulez-vous apprendre ?

8 – Les projets des apprenant.e.s en France

Légende : (C) coupé ; (X) mot inintelligible ; (XXX) groupe de mots inintelligibles ; précisions en italique.

Les extraits

Extrait 1 : Des projets de vie bloqués : sans logement, pas de travail ; sans travail, pas de logement.

Ibrahim : Mhm, mais il y a euh, des problèmes administratifs aussi,

Xavier : Ouais,

Ibrahim : Euh il y il y a un an que je cherche du travail. Mais j’ai trouvé beaucoup de travail. J’ai passé l’entretien, des examens écrits, et à l’oral aussi, euh parfois il y a le problème, de carte de séjour, par exemple, j’ai des papiers mais je n’ai pas de euh, la carte de séjour,

Xavier : Tu n’as pas le papier réfugié ? Tu,

Ibrahim : Oui, j’ai, le statut de réfugié, depuis août, 2021,

Xavier : Ouais,

Ibrahim : Mais, j’ai pas reçu euh, ma carte de séjour, et,

Xavier : Ah ouais d’accord,

Ibrahim : Oui, c’est à cause de ça j’ai trouvé un travail à La Rochelle,

Xavier : Ouais,

Ibrahim: Et parce que, j’habite pas à La Rochelle, je l’ai raté, le travail, donc, c’était Pôle emploi, à La Rochelle. Et j’ai trouvé un autre travail euh, à Charles De Gaulle Aéroport.

Xavier : D’accord,

Ibrahim : Oui, c’était à cause de mon, carte de séjour. Donc euh,

Xavier : Parce que tu as que le récepissé, c’est ça ?

Ibrahim : Oui, c’est récepissé, pendant 3 mois.

Xavier : Mhm

Ibrahim : Donc chaque 3 mois je vais à la préfecture pour le renouvellement.

Xavier : Oui oui je vois bien oui.

Ibrahim : Mais le contrat normalement c’est, au minimum c’est pendant 6 mois ou un an. Donc la durée de mon récepissé, c’est…

Xavier : Et à la préfecture ils disent quoi c’est en combien de temps que tu vas avoir cette carte ?

Ibrahim : Euh, il faut euh (rire), un autre document, un autre document qui s’appelle acte de naissance.

Xavier : Oui.

Ibrahim : Donc euh, il faut avoir l’acte de naissance. Et après acte de naissance mais c’est trop facile d’avoir la carte de séjour et après,

Xavier : D’accord.

Ibrahim : Carte de voyage si, oui,

Xavier : Ouais, et puis demander la carte l’acte de naissance en Afghanistan,

Ibrahim : Oui j’ai déjà demandé 2 fois,

Xavier : mhm,

Ibrahim : à l’OFPRA, à Paris. Euh, il y a presque 10 mois,

Xavier : Mhm.

Ibrahim : que j’attends. Et mon assistante sociale elle me elle me disait que ça prend normalement entre 9 et, 11 mois.

Xavier : Oui oui c’est long ouais.

Ibrahim : Mais parfois, euh, ça peut prendre,

Xavier : Ca peut être plus long encore.

Ibrahim : Oui. 20 mois à 2 ans. Seulement (rire). C’est c’est comme la chance (rire)

Xavier : Ouais… Mais bon c’est euh, d’accord.

Ibrahim : Ouais,

Xavier : Beh oui oui, et ça euh, ce serait une demande de pouvoir travailler même avec un récepissé parce que une fois que tu as le titre de, de réfugié normalement c’est…

Ibrahim : Oui oui j’ai le droit de travailler mais, c’est compliqué. C’est à cause de le contrat et des procédures administratives, oui.

Xavier : Ah oui temps qu’il y a pas la carte en plastique euh

Ibrahim : Oui

Xavier : dur euh,

Ibrahim : Oui

Xavier : Ouais, donc toi ta revendication principale ce serait d’avoir rapidement cette carte, ou alors de dire aux employeurs, c’est bon un récepissé ça marche,

Ibrahim : Oui oui j’ai j’ai j’ai dit, j’ai dit déjà (C par Xavier)

Xavier : Des fois les, c’est, c’est les employeurs qui savent pas ou que ça fait peur,

Ibrahim : Oui oui

Xavier : parce que ils disent c’est que 3 mois, on a pas confiance,

Ibrahim : Oui mais, à La Rochelle, parce que je suis hébergé maintenant,

Xavier : Mh

Ibrahim : Chez l’escale,

Xavier : Mh

Ibrahim : Euh Il faut trouver un logement, j’ai demandé partout,

Xavier : Mh

Ibrahim : En France, mais parce que je n’ai pas un, un travail,

Xavier : Oui

Ibrahim : C’est trop compliqué,

Xavier : Oui oui

Ibrahim : De trouver un logement. Parce que je peux pas payer (rire),

Xavier : Oui oui

Ibrahim : C’est ça

Xavier : Ben oui oui je comprends, surtout à La Rochelle.

Ibrahim : Oui, mais le pôle emploi m’a dit tu habites à (X)-Charrentes, et t’as pas une voiture euh, donc c’est compliqué de venir ici tous les oui, tous les jours. J’ai dis j’ai demandé un logement mais j’attends, euh, le Mr me dit ok si je, si tu trouves un logement, appelle-moi. Il dit Ok. Il y a presque 8 mois que j’attends pour le logement aussi.

Xavier : Et même à l’Escale ils peuvent pas t’a t’héberger à La Rochelle ?

Ibrahim : Euh non,

Xavier : Non, pas de place,

Ibrahim : Oui. Donc euh j’ai le statut de réfugié, et il faut que je sorte de l’association.

Xavier : Oui, ben oui

Ibrahim : Oui

Xavier : Au CADA c’est fini après.

Ibrahim : C’est fini oui. C’est comme ça. Donc sans travail, c’est trop compliqué de trouver un logement, (C par Xavier)

Xavier : Ouais, et sans logement t’as pas de travail.

Ibrahim : Et sans logement, oui c’est ça. Et parfois j’ai du travail, mais je n’ai pas la carte de séjour. Oui.

Xavier : C’est Kafka.

Ibrahim : (Rires)

Xavier : Tu connais Kafka. Ouais, c’est un peu ça, ouais. Et trouver un travail juste à Rochefort, même si c’est pas un, c’est un petit travail pour quelques temps ? (XXX)

Ibrahim : Euh, j’ai essayé, j’ai essayé, quelques fois, mais, euh normalement le travail, il n’y a pas beaucoup de travail en finances ici, oui. En finance, et en comptabilité, même en administration, oui mais pour l’administrat l’administration ce il faut, parler euh,

Xavier : Parler ça va. J’pense que ça va, mais après c’est

Ibrahim : Oui pour,

Xavier : Oui il faut mieux écrire, ouais

Ibrahim : Oui oui, il faut l’écriture et tout mais,

Xavier : Ouais et puis connaître le système comptabilité euh

Ibrahim : Oui,

Xavier :  En français quoi.

Ibrahim : c’est ça oui.

Xavier : T’as, j’sais pas. Moi (X) c’est un conseil mais de, demande peut-être à Pôle emploi, tu peux avoir une formation de comptabilité générale basique,

Ibrahim : D’accord.

Xavier : euh premier niveau, pour bien connaître,

Ibrahim : Ah j’ai demandé une fois. Mais la dame m’a dit il n’y a pas, il faut étudier le BAC. Non pas le BAC, le BAC +3. C’est une licence, en comptabilité. Mais j’ai dit j’ai 2 masters, et une licence en comptabilité (rire).

Xavier : Parce que moi j’ai fait une ne formation avec le GRETA de 3 mois, c’était niveau… et on me demandait le BAC, c’est tout. Peut-être, alors ça je vais le couper parce que j’en ai plus besoin mais

(Entretien avec Ibrahim, association AAPIQ, Rochefort, le 07/06/2022, extrait 13, 27’15 à 32’57)

Précisions :

Association AAPIQ

Contexte :

  • Entretien réalisé à Rochefort par Xavier, le 07/06/2022, à l’AAPIQ – Association d’Animation Populaire Inter-Quartiers

Participant :

  • Ibrahim : Ibrahim habite près de Rochefort. Il parle 7/8 langues (anglais, dari, persan, urdu, allemand, français, Hindi – et un peu arabe), il est réfugié, Afghan. Il est arrivé en France en 2019, où il a étudié (mais un Master 2 intégralement en anglais). Ibrahim témoigne du fait que d’obtenir le statut de réfugié avec un bon niveau de départ en français, n’implique pas nécessairement un apprentissage facilité. Ibrahim nous fait part de son parcours et partage  ses difficultées d’accès au français (trouver des formations adaptées pour ses projets professionnels), à un logement, à un travail (notamment à la fin de l’entretien)– malgré ses nombreuses compétences et son niveau élevé à l’oral en français. Malgré son aisance en français, malgré ses nombreuses ressources et son autonomie pour apprendre (internet/duolinguo/rencontres et pratique quotidienne…) il lui faut alors trouver des formations adaptées à son niveau, et à ses projets professionnels.

Extrait 2 : Faire quelque chose pour la France 

Samir (traduit Hamza) : j’aime beaucoup la France… (Hamza continue en arabe) ouais, ça c’est intéressant. En fait nous on (X) beaucoup faire quelque chose pour la France. On a venu ici, moi et Hamza, (C par Hamza)

Hamza : Travail pour le France !

Samir : et après, même ses enfants travaillent pour la France, après. (C)

Hamza : de toute façon, mon pays, France.

(Entretien à Tours,  Mars 2022, extrait 7, 42’49 à 43’28)

Précisions :

Contexte :

  • Entretien réalisé chez Eric autour d’un apéritif, avec Hamza, Fadi (frères, kurdes de Syrie), Bassem et Samir (Père et fils, originaires de Syrie)

  • L’enquêteur (Eric) a été le formateur de Hamza et Bassem. Hamza lors d’une formation professionnalisante de niveau A1 (3 mois avant l’entretien), et Bassem lors des formations OFII, environ 4 ans avant l’entretien. L’enquêteur rencontre Fadi et Samir pour la première fois.

Participant :

  • Hamza, la quarantaine, est Kurde de Syrie. Il a fait l’expérience de l’apprentissage, oral mais aussi écrit, de nombreuses langues étrangères par le passé. Il en a appris certaines à l’école (l’arabe) mais aussi dans le cadre de son travail (urdu) ou bien de migrations (turque).

Extrait 3 : Des entrées dans les apprentissages plus ou moins portés sur l’oral, l’écrit ou bien les deux

Eric : Alors comme vous le savez, le français c’est difficile parce que, contrairement à d’autres langues, ça ne s’écrit pas comme ça se prononce. C’est pas une lettre, pour un son. Non. Des fois il y a un son, on peut l’écrire de huit façons différentes. C’est comme ça. Bon. Et là, c’est ce que nous dit Misheel, c’est une dame qui vient de Mongolie, elle dit ben, quand j’écris, il y a beaucoup d’erreurs. Parce que quand je parle et quand j’écris, bah c’est pas la même chose.

Participante : (XXX)

Eric : Mhm, mhm, c’est difficile pour vous,

Participante : C’est pour ça le français c’est difficile.

Eric : Et du coup c’est, beaucoup plus difficile l’écriture que parler ?

Participante : (XXX) mais parler, ça va.

Eric : Juste l’écriture qui est difficile. Ouais, ouais, bon, et (XXX) et vous les autres qu’est-ce que vous en pensez le fait que ce soit si difficile l’écriture en français, parce que, quand on demande le B1, c’est B1 oral et B1 écrit, c’est les deux ensemble. Ca veut dire que, c’est difficile de valider le B1, parce qu’il y a l’écriture. J’entends souvent des personnes qui me disent : ah le B1, pour parler ça va, mais l’écriture pff qu’est-ce que vous en pensez, vous ?

Dobryna : (XXX) c’est plus facile pour moi. Mais c’est pour moi.

Eric : Ouais, parce que, alors peut-être parce que vous aimez passer par l’écriture ? C’est ça ou,

Dobryna : Oui

Eric : Ouais, ouais, vous aimez euh, vous aimez ça. Peut-être.

Dobryna : (passage perdu)

Eric : Et, est-ce que, ah, je pense qu’en biélorusse, il y a une lettre, un son. Comme en Russe, et en Serbe, moi j’apprends le serbe, en serbe il y a une lettre, un son.

Dobryna : Euh, je réfléchis, euh oui, c’est ça.

Eric : Mhm,

Dobryna : Euh c’est, (XXX) je, stresse, si je parle, je stresse.

Eric : Mhm, mhm,

Dobryna : Et j’oublier les mots, (XXX – donc c’est très dur ( ?) )

Eric : Ben oui oui, je comprends. C’est difficile hein, moi quand j’essaye de parler d’autres langues euh, je suis comme ça des fois. Et quand je dois prendre le téléphone, même en espagnol je parle bien, mais en espagnol euh, non, j’aime pas parce qu’on ne me voit pas, les gens ils me disent vous pouvez répéter s’il vous plaît, vous pouvez répéter, c’est pas facile.

Dobryna : Puis, je réfléchis et, je pense je parle bien (rire)

Eric : Ouais, dans la tête c’est plus facile.

(XXX)

Eric : Ouais ouais, y’a pas d’erreur. Dans la tête. D’accord. Bon, et, (C par Dobryna)

Dobryna:  (Passage perdu) et d’intégrer, (XXX – de parler des fois avec que( ?) ) des français,

Eric : Ouais, ça vous trouvez ça important

Dobryna : Oui oui

Eric : de, vraiment passer par euh, les rencontres, euh, (XXX) se faire des amis,

Dobryna : Oui oui

Eric : tout simplement, travailler,

Dobryna : (XXX), je parle français bien avec eux (XXX)

Eric : Oui, oui oui oui,  (…)

Eric : On peut réfléchir à des choses comme ça, si vous voulez. Oui oui, bon merci, euh,  (…) la deuxième citation : elle dit « on vient en cours jusqu’à A2, et après on recommence à A1 ». Parce que il y a l’écriture, c’est pas facile. On répète toujours la même chose elle dit. A1, A2, B1, B2, et elle dit, j’ai vu beaucoup de gens, qui se perdent, et qui abandonnent. Ils disent « ah ben moi les cours euh, le français c’est bon. Je sui fatigué, c’est bon voilà. » Euh, cette dame elle est Turque, et elle connaît beaucoup de personnes Turques euh, à Strasbourg, qui ont dit, ben moi j’en ai marre. C’est bon j’arrête. C’est, c’est dommage, quand même. Parce que, c’est des personnes qui au début avaient très envie de, d’apprendre le français. Et avec la difficulté de l’écriture, le fait de pas rencontrer des personnes, est-ce que, moi, la question que je me pose c’est euh, le fait de demander un niveau d’écriture, qui est pareil que l’oral. C’est bien ou pas ?

Par exemple si on exige à quelqu’un pour travailler le B1 oral, et écrit.  Ca va, je parle pas trop vite ? Non.

(Temps de latence)

C’est pas un problème, oral et écrit ensemble ? Est-ce que, est-ce que par exemple si on vous disait, eum, vous passez l’examen, oral. Et vous validez l’oral, c’est tout. Vous avez le B1 oral. Le B1 écrit, on verra après.

Si on séparait les deux, qu’est-ce que vous en pensez si on séparait oral et écrit, pour pouvoir travailler par exemple ? Vous allez à Pôle-emploi, vous dites regardez, j’ai le B1 oral. (…)

Sandra : (audio peu intelligible) C’est mieux d’apprendre oral et écrit (…)

Eric : Ouais, c’est vrai que ça pose un problème si je sais pas lire, si je sais pas écrire, parce que, je peux avoir des problèmes en plus avec le travail. On va me dire : allez-y signez Monsieur, signez.

Sandra : Signez contrat (suite inintelligible)

Eric : Mhm, oui, oui, c’est important ce que vous dites. Parce que  par exemple si je vais à la banque, on peut me dire allez-y signez, si je ne lis pas, je vais avoir des problèmes. Je vais

Sandra : (inintelligible) c’est mieux d’apprendre les deux.

Eric : Ouais, c’est mieux d’apprendre les deux, mais si on reconnaît à quelqu’un ok, vous avez le B1 oral, et vous pouvez travailler, vous par exemple ça vous permettrait de dire ben, je parle, je voudrais travailler est-ce que je peux faire euh, travailler dans un salon de coiffure ? Vous voyez ?

Sandra : Tout le monde serait certainement très fier

Eric : Oui, tout le monde serait fier, c’est ça,

Sandra : Oui (…)

(Entretien à J2P, Paris, 10/03/2023, extrait 4, 37’13 à 47’16)

Précisions :

Association J2P

Contexte :

  • Entretien réalisé par Eric, sur un temps de formation (préparation aux épreuves du DELF B1), dans une grande salle auprès de 6 participantes. Vidéoprojection d’extraits d’autres entretiens écrits dans la salle pour déclencher la discussion sur différentes thématiques. Certaines participantes sont mobilisées par leur formatrice le temps de 20 minutes lors de l’entretien, ce qui provoque quelques interruptions pour reformuler, se présenter.

  • L’enregistrement présente des bugs de micro, qui n’a pas enregistré en continue. Les transcriptions présentent donc des parties perdues.

 

Participante :

  • Sandra ( prénom inintelligible sur l’audio) : Elle est Camerounaise, elle est en France depuis un an et demi, elle a deux jeunes enfants restés au pays. Elle a très envie de connaître la France. Au Cameroun, elle parlait déjà français, et aussi anglais.

  • Dobryna : Dobryna est Biélorusse. Elle travaille sur de la traduction en autonomie, tous les soirs chez elle, pour s’améliorer. En Biélorussie elle était enseignante, et voudrait travailler avec des enfants. Elle a passé le B1. Elle souligne que pour apprendre il faut avoir beaucoup de pratique. Elle dit avoir appris le français en partie grâce au dispositif ouvrir l’école au parent, dans un collège à Paris.